Rêves et rêveries

IX

 

L’ambiguïté s’installait entre Céline et René. Frontière poreuse
entre amitié et amour. Tensions et hypocrisies. Leur relation traversait des
turbulences froides et chaudes. Certainement, elle en avait conscience, mais
ils n’arrivèrent jamais à s’expliquer. Un jour, elle lui posa une question
alors qu’ils étaient au SID (Service d’Information et Documentation) :

« Pourquoi est ce que tu es rentré dans notre
école ? »

Il essaya de trouver des raisons, de la convaincre, mais
comment aurait-il pu, alors qu’il ne le savait pas lui-même ?

Plus tard elle lui poserait une autre question à laquelle,
il ne saurait pas non plus répondre.

René traînait chaque jour, son poids plus lourdement. Le
malaise qui n’aurait pu être qu’intellectuel devint physique : stress,
anxiété, muscles du cou contractés.

René sentait avec acuité les 2 plateaux de la balance, qui
allaient précipiter sa décision. D’un côté, être dans une des meilleurs écoles
de commerce, avec une scolarité qui imposait des sacrifices à sa mère ; et
de l’autre le sentiment qu’il n’était absolument pas à sa place. De toute
façon, ce serait un gâchis. Il ne savait pas quel nom donner à cette force qui
le poussait hors des rails qu’il avait voulu se fixer.

 

On pourrait dire comme Paulo Coelho, que l’âme du monde agit
de telle sorte qu’on ne s’écarte pas de sa légende personnelle. Peut-être
l’école de commerce ne faisait pas partie de sa légende personnelle, ou plutôt
qu’elle en faisait partie, mais qu’il devait la quitter.

Vers mars, avril, n’y tenant plus, il se mit à sécher les
cours, sans d’ailleurs que ses notes s’en ressentent.

Il traînait dans Angers, il allait au cinéma ou rentrait
chez lui plus tôt pour bouquiner. Un jour, il sécha et alla à la cathédrale
d’Angers : peut-être espérait-il une réponse à l’abri de ces voûtes
aériennes ?

Il n’en eût pas, mais en tous cas, il se reposa un long
moment. Silence déraisonnable du monde, comme dirait Camus. Il s’était aventuré
dans des contrées de l’esprit où l’homme assoiffé ne trouve pas à boire. S’il
était bon qu’il les connut, il fallait qu’il en sorte.

Aux vacances de Pâques, il fit part de son malaise à sa
mère. Il prit sa décision : il abandonnait l’école de commerce, sans
passer les examens qu’il aurait réussis. Il allait se faire porter malade, ce
qui n’était qu’à moitié faux. Il assurerait un dernier exposé, pour ne pas
faire plonger ceux qui le faisaient avec lui. Après, basta !!

Il ne put échapper à la question de Céline :

« Pourquoi pars tu ?

Tu ne nous aimes pas ! »

Que dire ? quand on ne comprend pas ce qui nous arrive.

Il ne sut jamais lui dire au revoir. Gâchis.

Toutes ces émotions ne l’avaient pas empêché de songer aux
vacances. Il allait partir en Corse.

A propos Jean-Baptiste Messier

J'ai toujours été guidé par l’idée de produire des textes originaux, provocateurs voire transgressifs. La littérature érotique est mon domaine de prédilection même si j'aime parfois composer des cocktails avec le fantastique, la SF ou la fantasy. J'écris aussi des chroniques sur des livres très divers et évoque parfois des sujets assez polémiques ou spirituels. A découvrir. ;)
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3 commentaires pour Rêves et rêveries

  1. Patricia dit :

    yes ! je reprends tout à zéro et je plonge dans le bain délicieux aux eaux impatientes des "rêves et rêveries"…

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  2. Jean-Baptiste dit :

    Bonne nage ;-)…. mais j\’espère que tu ne vas pas trop nager sinon tu vas te perdre !

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  3. Patricia dit :

    même pas peur !!! j\’ai tous mes brevets de longueur et j\’étais bébé nageur alors hein ! hihi !

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