Dans la première partie de ces anecdotes, je nous avais laissés au pas du départ à pied du tronçon du chemin de St Jacques entre le Vézelay et Nevers. Alors marchons et franchissons le seuil bien gardé.
Il est mi-juin en France et il fait chaud. Je dois me coucher tôt et me lever très tôt (surtout si l’on songe que c’est mes vacances ^^). 5h15, je suis réveillé, mon sac déjà prêt, je petit-déjeune rapidement et hop, bâton en main, je pars d’un pas neuf et un regard nouveau vers un chemin que j’ignore.
Même vers 6h du matin, il fait déjà dans les 20 °C.
Point de vue depuis le Vézelay qui se trouve sur les hauteurs (d’ailleurs une sacrée côte à subir avant d’arriver à la basilique) au lever du soleil :

Je descends les pentes du Vézelay, la boussole indique le sud comme il se doit :

Des essaims de mouches m’assaillent, je suis même obligé de mettre un masque de tissu que j’utilise pour le COVID pour m’en protéger et respirer. Jamais vu ça !
Un peu plus loin, car mon regard porte, je n’ai pas toujours les yeux rivés sur le sentier, je vois la silhouette fine d’un marcheur. Je me dis « tiens, un pèlerin qui fait le chemin en sens inverse ». Car en fait, faire le Chemin de St Jacques, si l’on est puriste, c’est non seulement aller à St Jacques et pour certains jusqu’à la mer, mais revenir aussi à son point de départ.
En fait, nous rapprochant à la vitesse cumulée de nos deux déplacements, je me rends rapidement compte que c’est une jeune femme bien fine, un peu plus de 50 kgs à vue de nez, qui transporte un sac bien lourd. Une jeune fille brune et jolie. Le visage intelligent et expressif.
On s’arrête, moi les deux mains appuyés confortablement sur mon bâton, et je ne m’approche pas trop, histoire qu’elle ne se sente pas mal à l’aise, et qu’on puisse échanger tranquillement. Ce petit pas de retrait, ce petit pas de retraite, qui nous assure une conscience sereine, libre de tout attachement, de pensées possessives.
En fait, elle me raconte qu’elle ne fait pas le chemin de St Jacques mais le tour du Morvan et que c’est la première fois qu’elle entame une rando toute seule comme ça de plusieurs jours. Elle a emporté une tente et un réchaud… tu m’étonnes que ça doit être lourd ! Je lui explique que je ne m’encombre plus de ça surtout sur le chemin de St Jacques où on trouve des gîtes vraiment pas chers et des ravitaillements. Niveau nourriture, c’est aussi très frustre pour moi : brownies au chocolats, bananes, charcuterie, bananes… Enfin elle est jeune, elle fait ses expériences :p .
Tout comme moi en mon temps.:) Sinon je lui conseille les tentes ultra-légères. On devise ainsi en toute amitié. Elle a hâte d’arriver au Vézelay, ses pieds sont en compote. On se raconte des petits faits. Et puis on se sépare avec un grand sourire en se souhaitant bonne route sans chercher plus : une rencontre comme d’autres (enfin non en fait chaque rencontre prend ici un caractère unique et mémorable), de jolis petits cailloux qui parsèment le chemin, le voyage, la route à pied dans un temps intemporelle, hors du cadre de vie de notre société.
Le chemin, c’est aussi ça, apprécier les moments pour ce qu’ils sont et se détacher sans rien retenir. Sans chercher à avoir les coordonnées de la jolie demoiselle ^^. D’ailleurs sans doute trop jeune pour une vieille branche comme moi. :p
Enfin, après plusieurs heures de marche et une canicule vers 14h…


j’arrive au gîte d’Anthien (pour ceux qui aimeraient suivre sur une carte). Celui-ci est tenu par des hollandais, et le gîte de la veille par des allemands ^^. La passion pour le chemin de St Jacques unit bien des nationalités. On mange tous ensemble le soir, dans une ambiance chrétienne (protestante je pense). Petite prière et moment de recueillement avant d’entamer le repas. La meilleure soupe que j’ai jamais dégustée avec des courgettes du jardin !
Nous échangeons sur nos motivations pour arpenter le chemin. Nous abordons des épisodes de vie parfois très forts ou douloureux et aussi des motivations moins lourdes…
Le gîte dans un très belle ferme restaurée :

Prochain épisode : une jolie rando et la rencontre avec un pèlerin belge, un nouveau compagnon de voyage..