Le monde des Elonirtes

Voici le deuxième chapitre de la dernière nouvelle du recueil que je vais publier cette année, bonne lecture !

II le monde des Elonirtes

 

 

Dans ce pays,

Les colonnes des palais

Se dressent

De marbre blanc veiné

D’améthyste brillante.

Penchés sur leurs grimoires,

A l’écriture gravée,

Livres de pierre ;

La musique du monde,

S’écoule paisible.

Nulle inquiétude,

Nul désir.

Leur existence

N’ a pas de source

Pas d’estuaire.

Les animaux folâtrent,

Les herbes ondoient

Sous le vent armoréen.

Coule la rivière,

Dans le sous-bois

Gazouillant.

Ni avant, ni après,

Ni maintenant,

Seulement des appartements,

Dans lesquels ils cheminent,

Au gré de leurs pensées et envies.

Sans contraintes.

 

Les jardins d’Armor

Exhalent leurs parfums suaves.

 

 

 

 

Les yeux sans paupières de Seffour scintillaient dans l’obscurité. Leur lueur violette éclairaient de reflets la pièce de la maisonnée. En lévitation, à la manière d’un pendu par le pied, la tête en bas, Seffour visitait de multiples mondes, son esprit se déplaçait très exactement à la vitesse de la lumière de manière à être en concordance avec l’espace et le temps des différents univers. Parfois il ralentissait la course de sa conscience et se retrouvait dans des époques lointaines, à d’autres moments au contraire il l’accélérait et se mouvait dans des avenirs proches ou très improbables et pourtant bien réels. Agir pour lui n’avait pas vraiment de signification. Pourtant il aimait lorsqu’il sentait dans l’univers visité une question qui demandait une réponse, il aimait envoyer des intuitions, jamais en personne bien sûr. Son corps opaque et pourtant translucide était coloré des émotions et des pensées qui le traversaient au fur et à mesure de ses pérégrinations.

Les trois soleils d’Armor se levèrent irriguant les vertes collines, maisons et châteaux de la contrée de reflets rosés, orangés et bleutés. Au loin la forêt faisait entendre son gazouillis. Seffour peu à peu reprit la possession de son enveloppe matérielle par un acte de conscience méticuleux et immémorial. Sa conscience anima chaque parcelle de son corps.

Il fit une preste cabriole et se remit sur pieds. L’aurore lui souriait et il comptait bien en jouir. Il attisa les braises rougeoyantes dans le foyer de la grande cheminée. Dans l’univers des Elonirtes, nécessité ne faisait pas  loi, plutôt le plaisir ineffable. Il n’y avait pas de "je dois" mais "je veux", "j’ai envie", l’extérieur ne pouvait rien leur imposer dans leur existence éternelle et invincible, et ils ne s’imposaient aucun devoir à eux mêmes. Etait ce qu’ils n’avaient pas de morale ? ou plutôt que la morale était si bien intégrée qu’elle était le fond de leur être, elle ne serait plus un carcan mais quelque chose auquel on n’aurait plus besoin de penser ?

Seffour ne pouvait de par  sa constitution avoir froid mais le feu, sa vision, le son du crépitement, l’odeur de pin brûlé lui plaisait. Les plaisirs pouvaient être de toutes formes, les rayons des soleil le matin, le grain d’une peau, la goutte de rosée qui perle au bord d’une feuille, la lecture d’un livre, d’un livre de pierre. Justement, depuis quelques temps il sentait une envie germer en lui, une envie profonde et obscure. Attentif à ce frémissement qui agitait le lac calme de ces pensées, il savait que la solution le menait d’abord vers la Grande Bibliothèque d’Armor.

Il sortit de sa maison au toit de chaume et prit la sente qui le faisait traverser la forêt avant d’arriver au gros bourg.

Il avançait dans le paysage verdoyant. Il était torse nu.

L’aube envoyait ses derniers rayons de rose et devant lui se profilait la forêt des Mystères. On voyait des volutes de vapeur d’eau sortir de la bouche du bel Elonirte, « bel Elonirte » est un pléonasme car en ce monde, la beauté physique est l’exact reflet de la beauté spirituelle qui est l’essence même de tout Elonirte. Et par beauté physique, il serait vain d’imaginer des canons précis, mais tout être en les voyant de n’importe quel univers et de n’importe quelle époque aurait ce sentiment. Le problème étant qu’à part de rare privilégiés, il est impossible de les voir.

Il entra dans la forêt qui bruissait de l’agitation des être sauvages et discrets qui l’habitaient. Sa démarche semblait survoler la terre… une licorne l’observait, un peu fascinée, ce qui est le comble pour un être féerique. il atteignit une cascade qui plongeait dans une petite mare. Un sourire sur le visage, il s’accroupit, prit de l’eau dans ses mains et se la projeta sur le visage et le torse. Puis il se releva.

La licorne lui faisait face de l’autre côté de la marre. il lui sourit, un certain magnétisme devait émaner de sa personne, elle bondit au-dessus de la mare. Un peu rétive, elle le toucha de sa corne, au milieu de la poitrine, comme si elle voulait s’assurer de sa réalité, comme un aveugle aurait fait en touchant un visage. Seffour ne bougea pas. Il avança la main et lui caressa le dessus de la tête.

La licorne frémit et se transforma en femme. Elle était nue devant lui, belle de candeur et de pudeur, Seffour lui prit les mains et l’entraîna doucement vers un saule pleureur qui longeait la marre.

Ils s’allongèrent sans sentir la fraicheur matinale, doucement ils s’embrassèrent. Des primevères, des jonquilles et des lys, gagnées par leur énergie sexuelle fleurissaient autour de leur couple enlacé, ils se serrèrent l’un contre l’autre.

Ses seins caressaient le torse de l’Elonirte, c’était une danse de gestes, de mouvements d’amour, leurs corps s’entremêlaient dans une harmonie dont on n’aurait pu distinguer un début et une fin… La bruine tomba comme une couverture tiède sur leurs ébats et le monde autour d’eux devint comme un petit paradis avec un arc en ciel. La verge  de Seffour brillait et dans sa perception kadélioscopique, il sentait le chaudron magique de la jeune femme s’enflammer et s’enlacer autour de lui. Il jaillit en pluie de lumière et la chaleur du buisson ardent souffla le corps de la femme en un gémissement extatique.

Dans le monde des Elonirtes les instants pouvaient être magiques et sans attaches, les êtres glissaient sur l’existence éternelle sans traces ni demandes.

Le couple demeura enlacé dans la paisibilité puis la femme reprit son apparence de licorne. Seffour lui taquina le museau et reprit son chemin, rempli de joie.

Il rejoignit le bourg. De belles maison de style médiéval avec colombages le composaient. Souvent les poutres en bois étaient sculptées de figurines expressives, qui pouvaient rappeler des scènes pastorales ou de contes de fées. Quelques Elonirtes discutaient entre eux, ou disons conversaient, s’échangeaient des pensées, des filets de lumière, de l’énergie.

La Grande bibliothèque d’Armor était édifié selon un style gothique. De nombreuses gargouilles démoniaques, angéliques, ou fantaisistes au bout d’arches élancées contemplaient les passants. Le bois, la pierre, et les enluminures étaient les maîtres mots de ce lieu, des enluminures gravées dans des livres de pierre, d’une pierre souple qui n’a pas d’équivalent dans les autres univers.

Seffour rentra et respira l’odeur du bois. Des milliers d’ouvrages le contemplaient. Le problème pour lui n’était pas tant de savoir où se trouvait le livre, mais lequel était en mesure de le guider et de répondre à ses interrogation, et en Armor c’était la fonction du bibliothécaire. Le bibliothècaire grâce à son énorme intuition était en mesure de comprendre les demandes sous jacentes des lecteurs et de les relier au livre idoine, celui qui presqu’à coup sûr fera avancer le lecteur sur le chemin de son existence. Seffour conta par le menu à Elnir, le responsable de la bibliothèque, les impressions qui le gagnaient de temps en temps, des impressions de pesanteur, d’appel vers un ailleurs où la sérénité n’est plus un fait entendu mais le fruit d’un combat sur soi, vers un monde où l’angoisse sculpte les esprits et les comportements. C’était comme un dragon noir qui s’élevait en lui et lui disait tu as un combat à mener. Or dans le monde des Elonirtes, par définition il ne pouvait y avoir de réels combats car la mort n’existait pas.

Elnir ouvrit son esprit à la demande de Seffour, chaque livre pour lui était d’une coloration particulière et il devait trouver celui dont la couleur était la plus proche des interrogations de Seffour. Quelque chose de violacé, de noir, rouge,….. son esprit avait capté le parfum des soucis de Seffour et le livre correspondant jaillit en son esprit, oui c’était cela. Elnir connaissait les méandres de l’esprit, ses chemins vers la lumière ou l’obscurité, les impasses ou les petites ruelles, les corridors de l’émotion, sans doute il ne connaitrait jamais l’ensemble du labyrinthe car le jeu de l’âme est infini, mais il possédait un grand savoir vivant.

Il communiqua avec Seffour, le livre se nommait "Illiade et portes", il lui dit mais ne lui révéla pas l’entière vérité qu’il pressentait, il dit à Seffour qu’il était à l’entrée d’un passage, que ce passage était obscur et tortueux mais qu’il en sortirait grandi et dans ce livre "Illiade et portes", il trouverait le début de la réponse…

Seffour le remercia et alla chercher le livre qu’il trouva sans difficulté, il suffisait de l’appeler et celui ci reluisait. Voici le premier chant sur lequel il tomba : (…)

 

(to be continued ;-))

 

 

A propos Jean-Baptiste Messier

J'ai toujours été guidé par l’idée de produire des textes originaux, provocateurs voire transgressifs. La littérature érotique est mon domaine de prédilection même si j'aime parfois composer des cocktails avec le fantastique, la SF ou la fantasy. J'écris aussi des chroniques sur des livres très divers et évoque parfois des sujets assez polémiques ou spirituels. A découvrir. ;)
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4 commentaires pour Le monde des Elonirtes

  1. Le lampiste dit :

    Très bel écrit !Merci Jean-Baptiste pour ce séjour au pays des Elonirtes. Et pour nous en offrir la primeur.Je te souhaite un excellent Week-end !Raph.

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  2. prunelles dit :

    Parfois il faut attendre un peu pour que l\’oeil encore ensommeillé s\’habitue à la lumière du jour. Une fois l\’habitude installée, chaque mouvement, chaque détail en rappellent d\’autres, bien connus. Le bourdon de la butineuse, le parfum de la violette et la couleur du ciel ce jour-là.Echos……

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  3. joe ailes dit :

    joli conte, j\’ai aimé la balade moi aussi, mais je suppose que comme à l\’accoutumée ce n\’est pas qu\’un conte banal!bon week-end jean-baptiste!bises!

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  4. Jazzy dit :

    Un bien agréable voyage au pays d\’Armor conte initiatique que je reviendrai relire en particulier tout ce qui concerne la sérénité et le combat sur soi ainsi que les notions de devoir et morale .Bonne journée Bisous

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