Pensée chinoise, pensée occidentale II

Illustrer la différence
de conception entre la pensée chinoise et occidentale à partir d’un
exemple : la stratégie lors de la guerre.

Pour cette partie et
d’autres parties (d’ailleurs) je m’appuie (voire je pompe
complètement !) sur le livre de François Julien : « Traité de
l’efficacité », qui est un livre passionnant pour qui s’intéresse de
très près et de façon pointilleuse, 
J,
à la pensée chinoise. La source principale chinoise de cette partie est
« l’art de la guerre » de Sun Zi. Je rajouterais de petites pensées
personnelles… 😉

Dans le cas de la guerre, l’enchaînement but-stratégie-action est présent, on peut le recouper avec le schéma théorie-pratique…

Clausewitz, grand
théoricien de la guerre, comme tout bon européen conçoit d’abord un
modèle idéal, parfait qu’il va opposer à la guerre réelle. L’objet
alors serait de ramener la guerre réelle vers son idéal. En fait tout
le problème est de raisonner sur l’écart qui existe entre le modèle et
la réalité et finalement essayer de réduire cet écart. Mais il
reconnaît que toute tentative de modélisation de la guerre, de par sa
complexité, est presque voué à l échec !! D’une manière générale, dès
que l’homme (ou la femme 
J) est impliqué dans la poursuite d’un phénomène, tout devient très compliqué à modéliser J.

Dans la guerre idéale de
Clausewitz est visée une destruction totale de l’adversaire avec un
usage illimité de la force. Dans la guerre réelle, il faut une
« volonté de fer qui broie les obstacles » pour enfin atteindre le but.
Ouf !

En fait, en se rendant
compte que toutes les recettes de cuisine théoriques sont un peu
inefficaces, il en vient à dire que le sort de la guerre repose sur le
talent du général (« Napoléon ») et sur la chance, le hasard. D’où
vient la difficulté pour Clausewitz ? tout simplement que l’objet de
son étude porte sur quelque chose qui vit et réagit.

Et les chinois comment font-ils ? J

Dès l’origine la
reflexion n’a pas les mêmes bases puisqu’il n’y a à vrai dire aucun
modèle à suivre, pour les chinois, le réel est procède d’une
interaction de facteurs complémentaires (yin et yang) d’une
transformation de l’un en l’autre. L’ordre ne vient pas d’un modèle sur
lequel on puisse réfléchir et ensuite appliquer au cours des choses.
L’ordre des choses est une autorégulation absolument invisible,
immanente aux choses, une voie… le Tao. Donc au lieu de projeter un
modèle idéal sur le réel, le stratège chinois cherchera plutôt les
facteurs favorables et s’appuiera dessus pour porter son action. Toute
l’attention du stratège est porté sur le mouvement des choses et
uniquement cela.

Une image agricole J :
« on a beau avoir un tracteur et une moissonneuse-batteuse, pour la
récolte, il vaut mieux attendre le moment de la maturation » Donc il
faut s’appuyer sur le déroulement du processus pour attendre le moment
optimal et atteindre l’effet souhaité.

Apparaît alors la notion
de potentiel de situation (shi en chinois) de même que le torrent
descend de la montagne, et qui charrie les pierres…. L’effet « charrier
des pierres » résulte de la situation (xing en chinois) du torrent, de
son dénivelé, et de l’étroitesse du lit… les choses doivent advenir en
quelque sorte presque naturellement.

Ainsi tout ce conçoit en
terme d’interaction, « tout ce qui est dommageable à mon adversaire
m’est profitable et inversement. Il faut s’adapter constamment à son
adversaire. Si mon adversaire est prudent, je l’enorgueilllis, s’il est
en désordre, je m’en empare, s’il est plein d’ardeur, je jette le
trouble en lui etc.

Les chinois pensent donc le potentiel de situation en terme de variable et ne peut être déterminé à l’avance.

Il s’agit donc de
déceler avant dans la situation ce qui est porteur. Le « sage » (ou
stratège ou diplomate) tourne comme le ferait une boule, pour chercher
chaque fois ce qui est adéquat. Ne se fixant sur aucun plan précis, il
demeure insondable et inépuisable (un peu comme Chirac !! 
J)

La clé est aussi d’instaurer des conditions favorables à l’apparition du phénomène désiré.


A propos Jean-Baptiste Messier

J'ai toujours été guidé par l’idée de produire des textes originaux, provocateurs voire transgressifs. La littérature érotique est mon domaine de prédilection même si j'aime parfois composer des cocktails avec le fantastique, la SF ou la fantasy. J'écris aussi des chroniques sur des livres très divers et évoque parfois des sujets assez polémiques ou spirituels. A découvrir. ;)
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10 commentaires pour Pensée chinoise, pensée occidentale II

  1. Patricia dit :

    et bien voilà un décorticage qui me semble aussi important de connaître que la composition d\’une coquille d\’oeuf est nécessaire à l\’apprenti cuisinier… connaître tout dans le moindre rouage pour l\’utiliser à son avantage et non pas "créer" un avantage de toutes pièces pour le projeter dans l\’avenir donne un peu plus de garantie à la qualité du résultat, quand on s\’attend à atteindre une recette victorieuse…j\’ai l\’impression de suivre mes cours de philo de terminale, les mécanismes sont un peu grippés mais avec quelques billets supplémentaires je devrai pouvoir atteindre un niveau au-dessus du mien actuel !bonne saint-valentin !

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  2. Jean-Baptiste dit :

    oui décortiquer le mécanisme de notre pensée occidentale, c\’est aussi permettre peut être d\’améliorer notre perception, notre vision des choses ?

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  3. Patricia dit :

    dire qu\’en décortiquant la pensée on se permet d\’améliorer notre perception n\’est-il pas un parti pris ? au mieux on peut l\’objectiver sans savoir si la perception sera meilleure ou plus confuse. avant l\’analyse on ne sait pas ce que donnera le résultat, résultat qu\’on risque d\’autant plus de fausser si on a une attente particulière qui vienne confirmer notre espérance de ce résultat. il ne faut pas confondre analyse et attente, résultat et espoir. explications : en analysant la pensée orientale dont on se sent proche, on s\’attend à trouver les éléments qui viennent corroborer nos attentes et combler les manques d\’une pensée occidentale qui ne nous convient pas ou peu. on espère. mais l\’objectivité demanderait aussi qu\’on accepte de se confronter à un résultat qui n\’aille pas dans le sens de cette attirance ou de cette proximité. dans ce cas, comment justifier notre orientation pour une philosophie ou un courant de pensée qui ne répond pas plus à notre besoin après son analyse ?!

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  4. Tite dit :

    jai envie de dire un truc n\’ayant presque aucun rapport avec ce que tu dis ….. je le dis ou non ? ^^

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  5. Hécate dit :

    Merci pour ce billet (et le précédent) que je toruve fort instructif. Cela me fait penser à une partie d\’echec aussi. Prendre les éléments qui se présentent, les tourner (tenter?) à notre avantage. Ne pas partir vainqueur mais le devenir. Le mot "art " prend son sens.

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  6. Jean-Baptiste dit :

    Patou, je n\’avais pas vu tous ces commentaires (merci ;-)), ce que je pense néanmoins, c\’est qu\’il est toujours bon de prendre du recul… c\’est comme si tu es sur le versant d\’une montagne, tu ne pourras pas contempler ce versant, tandis qu\’en grimpant sur une autre montagne, tu le vois ce versant et tu peux en apprécier les jolis sous bois comme les aspérités 🙂

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  7. Jean-Baptiste dit :

    Hécate, c\’est juste, "art", c\’est d\’abord faire.

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  8. Jean-Baptiste dit :

    Patou, une citation de Proust que je viens de trouver sur le blog d\’Hécate :"Le seul véritable voyage n\’est pas d\’aller vers d\’autres paysages, mais d\’avoir d\’autres yeux."j\’aime bien !

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  9. Patricia dit :

    mazette elle est profonde cette citation… elle présente l\’avantage d\’être économique ! et pourtant, pour tant de choses, combien est-elle vraie ! n\’y a t\’il pas deux faces sur une même pièce ? comme ton image sur la montagne, le tout étant de se placer d\’un côté différent pour observer différemment la même chose. est-ce que l\’on appelle le recul ?

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  10. Jean-Baptiste dit :

    va savoir ;-)….

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