VI
23h42, dernier bus pour Augusta. Ils étaient deux, plus le
chauffeur. Trois heures de route qui passèrent comme dans un rêve, bercé par le
vrombissement du moteur. Augusta. Kemper se secoua. Il était libre.
A la gare routière, il resta d’abord les bras ballants. 3h13
à l’horloge. Il faisait froid. Il regarde la foule dans les rues qui rit, crie,
les voitures qui klaxonnent.
Il suivit les mouvements de la foule. Il se retrouva devant
une salle des fêtes dont l’entrée était libre. Il entra. Spots, rouge à lèvre,
décolletés, mecs en costard. Il se trouva un coin et se tassa sur une chaise.
C’est dur à dire, il s’endormit.
Il se réveilla tôt le matin. La salle était silencieuse. Des
personnes balayaient, ramassaient les cotillons…
Là-bas, dans le fond, un couple qui s’étreint, comme si
c’était la dernière fois qu’ils devaient se voir.
Kemper sortit. Pendant la nuit, il avait gelé. Prudemment,
il se dirigea vers un marchand ambulant de hot-dog.
« salut, je voudrais un hot-dog.
–
tu m’étonnes mon gars !
–
… dites, je serais à la recherche d’un boulot,
vous sauriez pas….
–
Ecoute, je suis pas une agence de
renseignements… enfin, y a un pote Ricardo qui tient une boîte de strip, qui
cherche un videur.
–
Où c’est ?
–
C’est le Bei-Jing, et maintenant tire
toi ! »
Kemper, après pas mal de déboires, trouva la boîte dans le
coin le plus mal famé d’Augusta. Il avait carrément la dalle, il devait être
midi passé.
La boîte était encastré dans un coin de rue. On devait
descendre un petit escalier. Il frappa à la porte en bois massif. Le judas
s’ouvrit :
« ouais, c’est pour quoi ?
–
c’est pour la place de videur. »
Le verrou grinça, la porte s’ouvrit. Un homme, aux cheveux
grisonnants, bedonnant, lui fit face.
« Alors comme ça, tu veux être videur ?
–
c’est vous le patron ?
–
à ton avis ?
–
oui
–
C’est quoi ton nom ?
–
Kemper Boyd. »
Le patron le toisa.
«D’où tu viens ? »
Kemper ne répondit rien.
« ok, c’est bon, je te prends à l’essai. Mon nom, c’est
Ricardo, appelle moi Rick. Il cria :
« Bill !… Bordel, Bill, tu ramènes ton
cul ! »
Kemper détailla la pièce. Au centre se trouvait une estrade
ou un podium, autour de laquelle étaient disposées des tables et des chaises.
L’ensemble était sans style. Des filles à la mine plutôt défaites faisaient le
ménage. Un comptoir à gauche. Il vit arriver un grand costaud à l’allure
bonhomme.
« Bill…
voici Kemper. Kemper, Bill.»
Ils se serrèrent la main.
« T’as quel âge fiston ?
–
19 ans. »
Ricardo : « bon, tu travailleras en binôme avec
Bill… y va te montrer le boulot. »
Bill l’entraîna vers une table. Ils s’assirent.
« écoute, c’est pas difficile… de onze heure du soir à
six heures du matin, on travaillera ici à surveiller les clients. Le matin,
dodo. L’après-midi, on va au gymnase pour s’entraîner. Jeudi, repos. OK,
fiston ?
–
Je m’appelle Kemper.
–
D’accord Kemper. Tu trouveras ta niche dans la
mansarde, par l’escalier, là. Maintenant, je vais me pieuter. Ca marche ?
–
Oui.
–
Pas très causant, hein ? »
L’après-midi, ils allèrent au gymnase. Après divers
exercices, ils montèrent sur le ring. Bill lui dit que pour le début, il devait
surtout surveiller son jeu de jambe. Ils échangèrent quelques directs et
crochets pas très appuyés. Bill le sentit chaud. Il feinta un direct gauche à
la tête et enchaîna, en passant sous sa garde, sur un uppercut droit dans le
foie. Kemper s’écroula.
Bill : « ne regarde pas, vois. »
Kemper resta à Augusta plus longtemps que prévu. Il se
sentait sur la bonne voie.
Un jeudi soir, après l’entraînement, Bill
l’interpella :
« dis donc Kemp, ça te dirait pas de sortir un petit
peu ?
–
où tu veux aller ?
–
dans un bar porto-ricain, que je connais bien.
Tu verras, on s’amuse bien là-bas. »
le bar en question, était en fait un bordel. Des filles
d’allure espagnole, s’alignaient le long d’un comptoir, assises sur de grands
tabourets. La patronne, une prostituée décatie, trop fardée, dit avec un
sourire qui dévoilaient des dents pourris :
« Salut Bill, la forme ?
–
ouais je t’amène un jeune protégé. Manuela est
là ?
–
elle est dans sa chambre en haut. Tu connais le
chemin. »
Après que Bill fut parti, Kemper resta là, ne sachant trop
que faire. Une fille, toute menue, vêtue d’un jean usé et d’une chemise à
l’air, descendit d’un tabouret et s’approcha de lui :
« Je m’appelle Inès.
–
Kemper.
–
Tu viens ? »
Elle lui prit la main dans sa quenotte toute fraîche et l’entraîna
vers l’escalier.
Une routine finit par s’installer. Kemper se demandait si
l’entraînement imposé par Bill était vraiment nécessaire. Non pas qu’il en eût
assez. Une nuit démentit ses doutes. C’était en juillet, la soirée se déroulait
normalement. Les filles prenaient leurs poses lascives et dénudées, au son des
Kinks, de James Brown… les clients chauffaient, et glissaient des biftons dans
les strings des filles. Un soldat fêtait son retour du Vietnam. Un bras amputé.
Il commençait à péter les plombs. Il hurlait, chantait. Kemper n’intervint pas.
Bill était à l’autre bout de la salle. Le soldat grimpa sur le podium. De son
bras valide, fortement musclé, il agrippa la taille d’une fille et l’embrassa
dans le cou. Kemper ne sentit plus ses nerfs. Il monta sur le podium, dégagea
la fille d’une secousse. Sans retenir sa force, il envoya un crochet droit dans
la gueule du soldat. Une dent gicla. Il jeta le soldat assommé dans la rue.
Bill l’attendait à l’intérieur :
« Putain, Kemper, qu’est ce que tu branles ?
–
T’as vu ce qui s’est passé…
–
Un bon videur ne frappe pas ses clients,
ok ?
Kemper avait maintenant mis suffisamment d’argent de côté.
Il partirait à Portland et de là prendrait un avion pour New-York. Rick lui
versa son argent.
Rick : « T’as fait du bon travail, Kemp.
Bill : Salut Kemp. Peu de chance qu’on se revoit,
hein ?
Kemper se dérida : ce n’est pas notre fort, je
crois. »
yesss ! la suite !!!! j\’aime bien cet épisode, et je commence à me familiariser avec l\’atmosphère un peu glauque sauf qu\’il me manque un élement… c\’est quoi "Mu\’ ?
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c\’est expliqué dans l\’épisode IX je crois vers la fin :))
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