II
Le couple montrait quelques signes d’activité. De la langue,
l’homme chatouilla le bout des seins de la femme. Par un rapprochement
langoureux des hanches, elle effleura de son sexe offert le pénis dressé. Comme
s’ils avaient brisé un pacte sacré, un coup de tonnerre ébranla le ciel bleu. L’homme,
sans plus l’inquiéter, la pénétra.
Ce que le tonnerre avait annoncé survint : avec fracas,
des avions de chasse Rafales 5ième génération les survolèrent sans
les détecter. Le couple se sépara. La femme alla faire sa toilette. L’homme
débrancha le champ magnétique qui les protégeait des prédateurs, et les
rendaient indétectables par des moyens de reconnaissance électroniques. Il accorda
un coup d’œil au tigre. Il revint vers la femme. Il boitait de la jambe droite.
Il l’aida à se laver le dos, après quoi il fit sa toilette.
Elle s’éloigna pour enfiler sa tenue de combat.
Elle avait préparé le petit-déjeuner : des œufs au
bacon. Il se précipita pour gagner quelques points d’énergie.
« Elvira ! Quand donc penseras tu à mettre plus de
poivre sur les œufs ! » récrimina t’il d’un ton bourru, toujours nu.
« Tu sais bien, Isidore, que nous en avons très peu »
répondit elle d’une voix plaintive. Isidore maugréa et alla chercher sa tenue
de combat. Ils mangèrent dans un silence, lourd de reproches mutuels.
« As-tu récupéré ton niveau d’énergie ? » s’enquit
il plus tendre.
« oui » dit elle avec un sourire radieux, « et
toi ?
–
je traîne encore la patte, cela va nous ralentir »
dit il sentencieux.
Ils levèrent le camp et s’enfoncèrent dans la jungle. Leur progression
était lente. Ils ne pouvaient passer de front, aussi étaient ils obligés de se
relayer pour se frayer un passage à la machette. La fatigue les rendaient
irritables. Malgré tout, il fallait avancer, sans quoi, ils périraient à tout
jamais !
Elvira montrait des signes de lassitude grandissante. Sa démarche
était moins cadencée, son souffle court. Isidore, malgré son handicap, décida
de ne plus céder le relais. La jungle les opprimait. Elvira, maintenant,
baissait la tête et trébuchait. Isidore pouvait presque calculer le nombre de
points d’énergie qu’il leur restait. Très peu. Ils continuèrent ainsi,
longtemps.
Un champ d’orchidées barbues, entourées d’un essaim de guêpes,
les dévisagèrent sévèrement. Le nuage noir s’abattit sur eux. Impuissants. Peu à
peu, leurs forces diminuèrent. Elvira, immobile, semblait implorer quelque aide
improbable, et tout à la fois s’être résignée à l’abîme tout proche.
5, 4, 3, 2, 1… Isidore vit Elvira commencer à clignoter. Son
regard devenait plus lointain, perdu. Une larme glissa le long de sa joue pâle,
coula vers ses lèvres, telle une fleur incarnat, et… tomba.
« T’en fais pas » lui lança t’il, excédé par cette
pantomime. ZERO.
« Moi aussi… » Elvira disparut.
L’ombre noir l’enveloppa et le perça. Devenu une diode
idiote, il attendit, le visage dur. ZERO.