Bogart
Bogart contemplait le corps étendu de la femme, la poitrine ornée d’un œillet ou d’un coquelicot sanglant. Il se surprit par ces considérations bucoliques, inhabituelles chez lui. La brune semblait se remettre difficilement du choc. Les immortels avaient perdu l’habitude de la violence physique, abreuvés qu’ils étaient d’une violence soulignée, fantasmée, poussée jusqu’à l’absurdité par la holotélé.
Mais le geste qui tue, broie, anéantit la vie d’une proche, d’une amie, qui quelques secondes avant, vous tirait par le bras…
« Comment vous appelez-vous ?
– Aline
– Vous étiez une bonne amie ? »
Aline passa sa langue sur ses lèvres. Avala ses larmes. Elle jeta un regard douloureux et provocant à Bogart :
« Ce n’est pas elle que je pleure, cette petite conne, tout juste bonne à être baisée. Des filles, comme elle, j’en ai connu des centaines, et j’en connaîtrais sans doute encore des centaines… ce que je pleure, c’est cette vie sans heurts, ce rêve qui avait une odeur de mort… ou vice-versa, comme vous voulez. La mort, j’avais fini par l’oublier, je la vivais, inconsciente, que j’étais ! et maintenant, c’est le réveil… brutal !
– vous pourriez reconnaître le meurtrier ?
– seriez vous donc aussi lisse que vos tours blanches ? ne vous intéressez vous donc qu’à votre… travail ?!
– -je ne prétends effectivement pas faire autre chose que mon travail, ici et maintenant… répondez à ma question.
– Bien sûr, que je pourrais le reconnaître. Il a suivi Cunégonde tant de fois, c’était une véritable idée fixe ! je pourrais même vous en faire un portrait détaillé…
– Bien… de toute façon, je crois que ce ne sera pas la peine, nous avons l’arme, ses empreintes digitales… comme si le meurtrier voulait qu’on sache que c’est lui… »
Bogart avait remarqué qu’elle évitait de le regarder trop longtemps…
– Je… c’est-à-dire, vous avez quel âge ?
– 45 ans.
– Vous savez, ici, on est tous d’apparence jeune, même si nous sommes vieux pour certains, et c’est mon cas, de plusieurs millénaires… et votre visage commence déjà à être rongé par le temps, comme un acide… et moi, je ne pourrais dire ni le jour, ni le mois, ni l’année où nous sommes…
– Le 20 février 6660…
– C’est effrayant…. L’éternité recouvre les instants d’un linceuil blanc et fait de la vie un songe translucide… on ne devrait pas donner le choix à l’homme entre vivre et mourir. Ceux qui croient qu’exister une éternité a un sens, se trompent… nous sommes des fous ici, nous perdons notre substance… et lâche que je suis, je ne me donnerai pas la mort. »
Bogart regarda ce qui lui semblait être une belle femme, radieuse, et l’abîme des ans qui se cachait derrière ses yeux. Il était troublé.
Aline avança une main hésitante vers son visage. Les yeux dans le vague, elle dit :
« vous savez, je n’ai jamais oublié l’homme. Ils sont tellement beaux, ici, inintéressants… beaux comme des femmes, la sensualité en moins, les manières efféminées en plus…
– Ecoutez, il faut que je m’en aille poursuivre mon enquête…
– Qui s’enfuit à toutes jambes, n’est ce pas ?
– … hum sans doute. Je vous tiendrez au courant si vous voulez.
Bogart n’avait pas envie de continuer cette conversation, qui remettait en cause un choix sur lequel il ne comptait pas revenir. Il écarta bien vite de sa pensée ces préoccupations. Au fond, il était content, c’était une affaire exceptionnelle : le meurtre d’un immortel par un immortel.
C’était une situation qui n’avait même pas été envisagée par les concepteurs de l’immortalité. Jusqu’ici, aucun délit ni crime n’avait été constaté dans la cité des immortels. Le moindre de leurs désirs était assouvi. Ils étaient libres. Le paradis sur terre… pourquoi voleraient ils, tueraient-ils ?
Personne ne s’attachait à personne, l’éternité ne le permettait pas. Pas de jalousie… ceci expliquait qu’il n’y ait pas de justes dans la cité des immortels.
Bogart songea que s’il « neutralisait » le meurtrier, il toucherait 25 000 slovos, ce qui le rapprocherait d’un pas de géant de son but ! il s’éloigna rapidement de cette citée, où tous les styles architecturaux se côtoyaient dans un capharnaüm formidable. Il mangea de bon appétit et écouta le requiem de Mozart.
j\’aime beaucoup ce que je lis chez toi…. hate de voir ce que sera la suite…
bah tu vois que ce n\’est pas compliqué de mettre une vidéo sur son blog mdrrrr
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ben non c\’est pas compliqué, faut le vouloir, c\’est tout 😉
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